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Florence Habets : « Notre société s’est fragilisée par rapport à la ressource en eau »

Hydroclimatologue, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée à l’ENS, Florence Habets a contribué aux ouvrages Dernières limites. Apprendre à vivre dans un monde fini, tiré du podcast d’Audrey Boehly sur les limites planétaires (Rue de l’Echiquier, 240 pages, 22 euros), et Chaleur humaine. 18 réponses à la menace climatique, tiré du podcast de Nabil Wakim pour Le Monde (Seuil, 320 pages, 19,90 euros).
Le risque de sécheresses s’étend sur le territoire et la probabilité qu’elles soient longues augmente. Celle qui dure depuis plus d’un an dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, est cohérente avec les trajectoires du changement climatique. Dans le même temps, les pluies extrêmes gagnent en intensité. C’est une des certitudes du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). On l’observe déjà en France : en cinquante ans, les pluies les plus fortes ont augmenté de 20 % dans les Cévennes.
Par ailleurs, avec la diminution des volumes dans les rivières ou les nappes phréatiques, la qualité de l’eau est affectée, car la concentration en polluants augmente. Au-delà d’une certaine concentration, on doit suspendre la distribution. Rien que dans le bassin Seine-Normandie, 1 200 points de captage de l’eau potable ont été fermés entre 2000 et 2021, dont 11 % en raison des pesticides. On se met en danger en n’étant pas capable de retrouver une bonne qualité d’eau.
Enfin, notre société s’est fragilisée avec l’augmentation de la demande en eau. Une sécheresse à la sortie de la seconde guerre mondiale a duré cinq ou six ans. A l’époque, les habitants étaient moins nombreux, et chacun consommait moins – l’eau courante était rare. Si une telle sécheresse se reproduisait aujourd’hui, plus rien ne fonctionnerait.
Il ne va pas nous aider lors des sécheresses longues, où il n’y aura plus d’eau ni dans les sols, ni dans les lacs, ni dans les nappes phréatiques. Si vous avez dépensé beaucoup d’argent pour stocker quelque chose qui se raréfie, vous êtes coincé. Il ne faut pas tout miser là-dessus, on est obligés de travailler sur des trajectoires de sobriété : apprendre à faire autant avec moins.
Chez les ménages, on peut diminuer le gâchis d’eau sanitaire, lié notamment au fait de faire ses besoins dans de l’eau potable. Il existe des alternatives, comme les toilettes sèches ou l’utilisation des eaux grises – du lavabo ou de la douche, par exemple – pour alimenter la chasse d’eau. On peut également limiter l’arrosage et l’irrigation ; avoir une pelouse dans le Sud de la France n’est pas raisonnable. Idem pour l’agriculture : il faut s’adapter au milieu et non le transformer pour qu’il subvienne aux besoins de cultures qui n’y ont pas leur place. Ça progresse : on voit beaucoup plus de sorgho dans les champs. Les productions comme le maïs irrigué, en revanche, vont peut-être devoir être restreintes.
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